La #40 de Will , il avait dit que pour la faire il lui fallait « reprendre tes textes » et il l’a fait. Mon plan de la ville apparaît çà et là. En le lisant, je sais d’un coup comment nous pourrions écrire à quatre mains. Parce que je réalise que nous l’avons déjà fait. Je n’en reviens jamais de voir se réaliser, quelle que soit la forme que cela prenne, le souhait formulé. Mais à la longue, je constate qu’il est un de mes souhaits qui trouve souvent son chemin : le travail ensemble.
Lisant, enfin, Tout ce que l’on croyait solide de Antonio Munoz Molina, qui attend depuis l’été dans la réserve qui devrait me permettre d’écrire « La Femme de petits sous », ce corpus de bric et de broc autour de l’argent, ce qu’on en fait, ce qu’il fait de nous, de moi… je me dis que je ferais bien de m’appuyer sur chaque chapitre pour augmenter les tutos de survie dispensés par Sacha dans le Tryptique Sauveterre. Je colle des Post-its, avec une première ligne à augmenter. Je me demande comment je n’y ai pas pensé plus tôt.
L’annotation des livres à part ou à l’intérieur reste utile, mais s’il s’agit d’écrire à partir de là, autant écrire tout de suite. Le format timbre-poste oblige à une certaine concision. Si je note dans un carnet à part, alors je commence à écrire pour de bon, les lignes s’enchaînent et j’épuise l’écriture, mais je n’ai pas lu, au bout du compte. La Reine mère m’a tannée pendant des années au sujet de ce qu’elle appelle « La méthode Caracolion », ce qui est bon titre : elle a le sens du titre, mais pas celui de la méthode, ni du travail, du travail laborieux, gagne-petit, sans esbroufe. Je commence à peine à mettre la main sur ma sacrée méthode, c’est-à-dire : une qui me convienne. Il faut des années pour coudre ça sur mesure, pour coudre sur soi, les essayages sont très longs. Ça fait un bail que je sais trouver les livres qui font écrire et les laisser me trouver et patienter aussi, accepter que le temps de la trouvaille et le temps de la lecture ne coïncident pas forcément et tant s’en faut, parfois je mets des mois, des lustres à savoir lire ce qui est sur ma table de nuit. Passant enfin à la lecture, j’en dégageai une atmosphère, une impression vague et (avec certaines livres) un désir d’écrire décuplé, ravivé, comme « à neuf », avec son goût de châtaigne électrique attrapé dans l’enfance.
Et voilà que ce bricolage de collettes, de millefeuilles (je tourne autour du mot, mais c’est défets que je veux dire, que je veux dire à nouveau. Mot aimé sans jamais lui trouver de chantier idéal : comment cela serait-il possible puisqu’il signifie le contraire, l’épars…), ces amorces insérées sous la ligne, sous le paragraphe d’un·e autre, viennent s’ajouter à cela, qui n’était pas rien, mais qui n’était pas… précis ? Direct ? Prêt à l’emploi ? En tous cas, Tout ce que le monde croyait solide s’épaissit. À voir à présent comment se prolongeront ces notes brèves, ces débuts…
Le format proposé par ƒ pour clore le cycle #photofictions me donne la mesure du changement. En 2016, date où j’ai rejoint l’atelier du Tiers Livre, écrire cinq lignes, c’était le bout du monde. Tout passait par la petite moulinette de la perfection, pesé cent fois sur la balance très sensible d’une respectabilité toute fantasmée. Il fallait que ça regorge de double sens, et que ce soit très très intelligent. Intelligible, ça, on s’en foutait… Aujourd’hui, l’intelligibilité n’est toujours pas moins fort, mais j’ai changé de braquet et 1800 caractères, c’est à peine une introduction. Un texte à augmenter qui sait déjà où il va prendre. Il vient s’ajouter aux tutos de Sasha, ou plutôt cadrer, introduire tous ceux qui se trouvent déjà dans l’Archive Sauveterre. Je consigne ici la version longue : #photofictions # 09 | Voyage retour. La version courte figurera au livre de l’atelier…
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