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Photo du rédacteurEmmanuelle Cordoliani

ÉCRIRE L'HIVER XVIII


Preuve d’un peu plus de considération du travail, de mon travail, je m’en suis allée passer trois jours à Granville chez les amis du Leurre. Il y a eu trop d’avis et de recommandations, de bonnes intentions et je savais que je ne savais plus comment écrire le texte du film animé créé par les élèves d’Estienne à partir de leur croquis des équipes de ménages du CNSMDP et de l’Opéra Comique. J’ai passé une première journée dans les cafés d’Avranches, Victor Duclos jouait là-bas le Fou de Champignons d’après le texte de Handke : c’était l’occasion de l’accompagner, de le voir et d’écrire au café, retour à la source en formica du bar des Sapins que tenait la Jeanne, ma grand-mère. Je devais me dire entre quat'zyeux quelques vérités simples, d’une simplicité adamantine, comme on pourra en juger à la lecture de ces lignes :

  1. C’est un livret que j’écris

  2. Pas un texte en voix off pour un documentaire

  3. Un livret pour une composition musicale à 4 ou 6 voix

  4. Pas de chœur

  5. Le texte doit être audible et musical

  6. Le film aura un générique avec les noms de chaque modèle

  7. Il y a deux espaces : le CNSMDP (lieu vaste et contemporain) et l’Opéra comique (théâtre XIXe, orné, doré, alambiqué, couloirs étroits, escaliers sinueux…). Ce sont également deux espaces musicaux.

  8. Il y a chaque modèle et l’équipe de ménage et l’ensemble des modèles des deux équipes.

  9. Les deux espaces définissent deux esthétiques musicales.

  10. Les trois modes d’apparitions des modèles (seul, au sein de son équipe, en groupe) définissent des répartitions vocales (air ou récit, ensemble, chœur) et donc, pour la librettiste, des degrés narratifs : intérieur ou intime, c’est-à-dire du côté de la pensée ou de l’observation, personnel, né de l’échange avec celui ou celle qui l’a dessiné. e ou avec des collègues, et enfin général, considérations partagées sur la vie ou le travail.

  11. Un livret qui permette la polyphonie vocale, l’homorythmie.

  12. LE TRAVAIL C’EST QUE DU TRAVAIL

  13. Et là-dedans, ma voix aussi, depuis ces espaces, jamais dehors.

Je savais que ces deux jours de bord de mer, de falaises auraient pour but principal la délivrance d’une série d’autorisations et de permis qui me permettraient, ensuite, d’écrire. Je ne pouvais pas m’empêcher d’espérer davantage, mais ce n’est pas en termes d’écriture de ce livret que je l’ai reçu : la poursuite du Carnet, l’amitié de Victor (qui m’a parlé du proverbe chinois : c’est en hiver qu’on apprend à nager), la lecture de Piège pour Cendrillon de Japrisot, et une forme d’irrigation dont je verrai les fruits plus tard, bien plus tard.

J’ai remis la main sur un ordinateur, arrivé paramétré en italien avec un clavier QWERTY (!) Occasion de mesurer vraiment mes progrès en dactylo puisque les touches sur lesquelles je frappe ne correspondent pas aux lettres qui apparaissent sur l’écran. Retour au PC, donc, pas grand-chose à en dire puisque je n’utilisais plus que ça depuis deux mois. Retour à Evernote en lieu et place de Ulysses. J’y ai déniché ce texte oublié, HISTOIRE D’UN VISA, datant de la période de Carnets d’un disparu de Janacek où j’avais déjà mené une bonne bataille de légitimité…


L’ordinateur revenu, je pleure le temps de lecture.


J’ai eu la chance d’une heure d’entretien avec Étienne Chanson sur Radio Aligre (Harmonie du soir) où nous abordons, entre autres, la question de l’écriture de livret. Et aussi les Fées Fâchées en passant.


Le livre du Journal d’un mot ans I-III m’attendait à mon retour. Il change beaucoup de choses, même si j’ai encore pris deux jours pour le considérer de loin avant de l’ouvrir. L’index m’importe beaucoup, il offre un mode de lecture idéal. Peters va l’agrandir encore un peu : mes vieux yeux s’y cassent les dents. Je lui ai envoyé l’exemplaire couvert de timbres de fleurs et de contes. J’aime encore beaucoup la poste.


Maxime Milhorat-Gustau qui honore mes cours de sa doctorante présence m’a transmis l’invitation à participer au colloque Correspondance de créateurs et de créatrices. J’irai, si l’on m’y veut bien, avec la triple correspondance Rilke/Pasternak/Tsvetaïeva, cette vieille amie. Madeleine Bazola m’accompagnera pour y chanter une mélodie de Chostakovitch sur un poème de Marina T. Ce serait bien.


Je suis très en paix à présent avec mon année de jachère du Journal d’un mot : j’ai remis l’an V à 2024. Il faudra prendre le temps de récupérer l’an IV éparpillé sur FB. Je mets pour l’instant de l’ordre dans le Carnet, ( avec la drôle d'impression de pouponner).




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Écrire l'été
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